Il y a deux ans je réalisais le challenge de courir le double de mon âge en km, soit 100 bornes, sur l’UT4M Master (UT4M – Master). J’avais adoré l’ambiance, l’organisation et les paysages alors pour cette année j’avais décidé de faire le 160 Challenge. L’idée est de parcourir les 4 massifs autour de Grenoble en 4 jours soit un total de 169 km pour 11 000 dm+ en passant par les massif du Vercors, d’Oisans, de Belledone et de la Chartreuse.
- Jour 1 – Vercors
Seyssin – Vif – 40km et 2500 dm+ - Jour 2 – Oisans
Vif – Rioupéreux – 47km et 3500 dm+ - Jour 3 – Belladone
Rioupéreux – Saint Nazaire Les Eûmes – 40 km et 2500 dm+ - Jour 4 – Chartreuse
Saint Nazaire Les Eymes – Grenoble – 40 km et 2500 dm+

Le profil de la course
Sur le papier ces distances et ces dénivelés sont connus et maîtrisés. Ils ne représentent pas de difficultés majeures pour mon niveau. Des efforts déjà réalisés sur des trails dans mon terrain de jeu des Alpes Maritimes sans jamais aucun problème physique ou de barrières horaires. Les parcours des jours 3 et 4 sont connus puisque que déjà empruntés lors de l’UT4M Master. La seule difficulté à mes yeux et ceux du coach, se sera l’enchaînement des 4 étapes et la gestion de la fatigue. Pendant 1 an l’accent sera donc mis sur la succession de sorties longues pour cumuler de la fatigue et s’habituer à relancer la machine à chaque fois.
Un an de préparation avec un peu moins de course à pied que les années précedentes mais plus de vélo et de natation pour travailler l’endurance. Un grand merci d’aiileur à Cathy pour le prêt de son vélo.
C’est donc gonflé à bloc et impatient d’en découdre avec moi même que j’arrive sur Grenoble la veille du départ pour récupérer mon dossard et prendre possession de ma chambre dans ce qu’on appelle ici le refuge.

Un super dossard, une chasuble textile imprimée
Le refuge est en réalité l’EPA 749 (Ecole des Pupilles de l’Air), le seul lycée-collège de l’Armée de l’Air. Il nous servira de camps de base pour dormir, prendre nos petits déjeuners et nos dîners. Un sytème de navette de bus nous conduit aux différents points de départ chaque matin et nous ramène tous les soirs. En dehors du respect des horaires je n’ai rien à gérer, juste prendre soin de moi et du matos. Nous sommes 4 par chambre et nous partageons une douche, des toilettes et 2 lavabos. C’est simple, propre et en bon état. Il fait juste très très chaud dans la chambre que je partage avec un belge, un parisien et un lyonnais. Pas de grosse affinité avec la chambrée mais on est pas là pour çà. Je me rend compte que j’ai oublié mes lentilles de vues. Pas très grave, il s’agit de journalière et entre celle que je garde dans la voiture, la trousse de toilette, la trousse de secours et les affaires de sport j’ai le compte pour 4 jours et au pire j’ai les lunettes de vue.
Jeudi 23 Juillet
Le réveil sonne à 4h30 pour un petit déjeuner à 5h00 et un départ de la navette à 6h00. Tout juste 5 heures de sommeil car mes copains de chambre sont loin d’être aussi organisé que moi. Même avec les bouchons d’oreilles et le masque de sommeil difficile de s’endormir avant eux. Ils passent leur temps à chercher leur affaires et à faire et à défaire leurs sacs.
Le départ est donné à 8 heures dans une ambiance de fou, 1500 coureurs sur la ligne de départ çà fait du bruit et çà vous donne des ailes sauf que là rien, nada!
Je ne me formalise pas plus que çà. Une fois qu’on aura quitté la ville et que l’on commencera à grimper les chemins du Vercors çà devrait aller mieux. Les paysages aideront. Je gère mon train et mon rythme cardio pour te ma taper dans les réserves mais surtout éviter de faire trop monter le niveau d’acide lactique pour limiter les problèmes musculaires le lendemain. Les 1er kilomètres passent mais les paysages ne sont pas top et l’envie de courir n’est toujours pas là. Je lutte pour ne pas arrêter. Je cours un bon petit moment en charmante compagnie, une jeune femme qui a travaillé quelques temps dans les Alpes Maritimes et qui fait partie d’un groupe sur FB (OFFTrail06) dans lequel je suis aussi et qui vient de Marseille. Elle finit par partir, elle visse 1h30 à 2 heures de moins que mes prévisions. En dehors de çà je m’ennuie et le temps ne s’écoule pas bien vite. Je lutte pour ne pas regarder la montre toutes les 30 secondes.
Premier ravito en vue…mais avant il faut remonter l’ancien tremplin de ski olympique par les escaliers pour refaire les niveau en eau… car il fait très très chaud. On avale un peu de gras jambon et fromage et tout çà en moins de 5minutes. J’ai une heure d’avance sur la barrière, tous les voyants sont au vert mais l’envie n’est toujours pas là.

Triste spectacle – La nature reprend ses droits – La piste de saut à ski disparaîtra tôt ou tard
Un dernier petit raidillon et on plonge vers le deuxième ravito à la station de ski de La Sierre (Lans en Vercors). Huit minutes d’arrêt pour refaire les niveaux, se ravitailler et prendre une douche fraîche… Juste un coup de jet d’eau sur la tête et les bras. J’ai encore gagné 20 minutes de mieux sur la barrière horaire, 1h20 d’avance je devrais être content mais rien n’y fait, je n’arrive toujours pas à me faire plaisir. Allez courage, on part pour atteindre le point culminant du jour, le pic St Michel. Le point de vue est juste incroyable, et sera la seule satisfaction du jour. C’est maigre!

Panorama sur le Pic St Michel
Je gère bien la course car je double et personne ne me colle au train dans les montées. Dans ces parois calcaires il fait très chaud…et certains annoncent qu’ils sont déjà presque en manque d’eau… quelques coureurs en perdition sur les bords du chemin. Comme je le dis souvent mes anti-séches me permettent de gérer et d’optimiser mes efforts, mon alimentation et mon hydratation, j’évite d’être trop dans le dure et d’être en perdition comme ces coureurs rencontrés… Ces topos sont faites sur le site topodetrail.com
Allez on plonge vers le dernier ravito, direction Saint Paul de Varces et la place de l’église. Quinze minutes d’arrêt! On refait tous les niveaux, sur 10 km j’ai bu quasiment la totalité de mes réserves en eaux soit 2.2 litres sur 2.5. Comme j’ai une petite avance je profite de l’eau très fraîche de la fontaine pour faire descendre la température des pieds et des mollets en me mettant mes jambes quelques minutes dans le bassin.
En route pour la dernière difficulté du jour, la montagne d’Uriol avant de glisser vers l’arrivée à Vif.
Contrat rempli. Une heure 50 min d’avance sur la barrière horaire, un cardio moyen à 140. Comme à mon habitude je la joue tracteur du début à la fin et çà gagne. Le seul hic c’est ce manque de plaisir et d’envie que je ne m’explique pas. Mais comme on dit chaque jour suffit sa peine.
De retour au refuge et durant le dîner, on fait fait le point sur le run du jour avec d’autres coureurs et on se projette pour le lendemain. Le hic de la 2ème course est que l’on va courir 10 km de plus avec 1 000m de dénivelé supplémentaire pour une heure de course additionnelle seulement. Sur le papier çà passe: j’ai fini avec 1h50 d’avance et il y a une heure de course supplémentaire, soit 2h50 pour 3km et 1 000 dm+ de plus, ça doit le faire. Juste mais çà passe. Une séance de cryo dans une piscine d’eau très froide, un petit massage du dos et extinction des feux à 21h30. Il n’y a pas d’air et il fait horriblement chaud dans la chambre, en plus un gros ronfleur dans le dortoir perturbe le silence de la nuit malgré les bouchons d’oreilles. Je dors de 21h30 jusqu’à minuit et ensuite je fais la crêpe jusqu’à 2 heures 30 du matin…
Vendredi 24 Juillet
Réveil à 3h30, petit déjeuner à 3h45 et départ navette à 4h45 pour rejoindre Vif, çà pique les yeux. Les jambes vont bien, elles sont légères, sans douleurs, souples et répondent présentes. La gestion et le rythme de la course d’hier y sont pour beaucoup.
La navette part sous la pluie et les éclairs déchirent le ciel… çà ne présage rien de bon. On arrive dans le gymnase de Vif 1h40 avant le départ. J’en profite pour effectuer un micro sommeil avant de faire contrôler mon sac et la puce de course… Je ne sais pas si c’est le manque de sommeil, la conduite du chauffeur de bus, ma micro sieste, mon petit déjeuner, le stress où la pression mais j’ai l’estomac un peu en vrac… Ma femme m’appelle pour me souhaiter un bon anniversaire et m’encourager, enfin un truc positif!
Programme du jour, c’est facile! Un profil montant sur les 30 premiers kilomètres, une descente, un bon tape cul et une très grosse descente finale de 7 km. On va en prendre plein les jambes. C’est sous un ciel qui finalement se dégage que nous prenons le départ à 7h00.
La fraîcheur matinale me fait vite oublier les yoyos de mon estomac. Deux petites bosses et en route pour un bon 900 dm+ sur 5 kilomètres. Un mini KV qui monte tout droit dans la forêt. Je débranche le cerveau car les coureurs du 40 km kilomètres nous ont rattrapé. Il me passe par vague. Je m’isole dans ma bulle jusqu’au premier ravito et j’essaie de limiter la casse. Je ne prend toujours aucun plaisir et je lutte pour oublier qu’il me reste encore de nombreuse heures de course.
J’arrive sur Laffrey pour le premier ravito. Je me fait pointer et on m’annonce après seulement 14km que l’histoire s’arrêterait là. Je réfute la décision et j’obtiens gain de cause. J’ai en réalité 10 min d’avance sur la barrière. Le prochain ravito est dans 12 km et il y a un peu plus de 500 dm+, allez on serre les dents et on essaie d’allonger la foulée. On est dans la forêt et je suis dans le brouillard. Je fais attention de ne pas me perdre, heureusement les organisateurs sont les champions du balisage. Il fait froid et humide et à certains passages on ne voit pas à deux mètres. Nous sommes 4 à être repartis ensemble du dernier ravito, le dernier carré de course, 3 du challenge et un du 40km. Il n’y a que quelques mètres qui nous séparent mais on ne se voit plus tellement le brouillard est épais. Je suis dans le dur et le moral est au plus bas. Je lutte pour continuer à trottiner. Je me fait peur en pensant qu’un coureur me rattrape, mais c’est juste le bruit des balises dans les arbres ou sur leurs supports dans le sol. Je décide de raccourcir mes intervalles de prises de sucres pour essayer de gagner en lucidité.
Enfin le ravito de La Morte, je me fais biper par les bénévoles, je pense que je suis dans les temps, mais en entrant dans la salle du gîte le chef de poste me fait comprendre l’inverse, il manquerait 2 min. Le coureur devant moi, un suisse au prénom de Kevin serait déjà lui aussi déjà hors course. Le belge qui était avec lui décide d’arrêter là! Le chef de poste se nomme Manuel comme moi. On en plaisante et il me dit « allez si le PC course n’appelle pas pour me demander si j’ai des coureurs avant que vous soyez reparti, ce sera bon, vous pourrez tous continuer ». Un certain Stéphane nous a rejoint. Je fais un stop de presque 15 minutes avec soupe vermicelle, thé et remplissage d’un bidon d’eau. J’avale quelques morceaux de fromage et de jambon. Le dernier carré de 4 coureurs part du ravito avec le feu vert de Manuel et les encouragements de toute son équipe. Merci à eux!
C’est parti pour un KV, on passera de 1338 à 2338 m d’altitude en 5 petits kilomètres. Je ferme la marche et laisse partir mes compagnons d’aventure qui partent à mon goût un peu vite. Certainement l’euphorie après un bon ravito, je connais et je ne tomberais pas dans ce piège.
Après 45 minutes d’ascension Manuel et son groupe de bénévole sont déjà dans mes talons. Ils sécurisent le balisage du tronçon pour les coureurs de l’UT4M extrem qui sont attendus dans ce passage pour 3 heures de matin. Le moral en prend un coup! Avec l’altitude le brouillard se dissipe et la vue est magnifique, mais je ne suis toujours pas dans la course.
Avec l’altitude, deux de mes trois compagnons d’infortune finissent par exploser et je recolle au train pour au final décider de passer devant eux et arriver au sommet avec 5 minutes d’avance d’après les pointeurs. A 2338 m au Pas de La Vache il ne fait que 8 degrés! Le vent semble encore plus froid! C’est à ce moment là que le coach m’envoi des textos et m’appelle, avec la fatigue et l’altitude je crois que je l’envois sur les roses.

Le ravito est tout en bas le long de la route sur la droite
Maintenant on lâche les freins pour descendre vers le prochain ravito au lac du Poursollet. A quelques kilomètres du ravito et après une descente bien cassante et glissante Manuel et son équipe refond la jonction. Je suis toujours avec Kevin et Stéphane qui apparement descendent plus vite qui moi. Ils ont regagné les 5 minutes que j’avais au sommet…
Manuel nous annonce qu’il reste 3 km avant le ravito et que la barrière horaire restera ouverte 30 minutes de plus, mon cadeau d’anniversaire! Nous avons jusqu’à 17h30 pour passer. Il nous reste un bon 25 minutes pour nous faire pointer. Même si je n’ai toujours pas plus envie que çà, cette nouvelle me rebooste un peu. Je porte une attaque et je lâche le groupe. Contrairement à ce que Manuel a annoncé ce n’est pas que de la descente. Le profil général est bien descendant mais il y a de bons et jolis tape culs tout le long. J’allonge et je relance le plus possible. J’arrive à 17h34… Trop tard le chef de poste à déjà fermé la barrière et elle sonnera la fin de mon aventure sur l’UT4M Challenge.
Contrairement à ce qu’annoncent les organisateurs cette édition n’aura pas été pour moi « là ou la magie se produit ». Je n’ai jamais éprouvé le moindre plaisir. Lassitude et ennui sont les mots qui pourrait qualifier ce run de 2 jours. Je n’ai jamais trouvé le plaisir de courir et c’est presque avec joie et plaisir que j’accepte la décision du PC course qui me neutralise.
Un bénévole nous conduira jusqu’a l’arrivée et il ne me restera plus qu’à plier bagage et rentrer à la maison. Il me reste maintenant à comprendre pourquoi l’envie, le plaisir et la motivation n’étaient pas au rendez-vous de cette course! Une succession de petites contrariétés (lentilles, chambrée, constipation, pas de boisson fraîche le soir, chaleur dans la chambre, gros ronfleur…) est pour le moment le seul début d’explication. On débriefera avec Alex le coach! Il faut apprendre de ses échecs pour mieux repartir.
La trace de ce qui a été couru