Trail des Baous : Au-delà des limites

Mis en avant

Les premiers rayons du soleil n’éclairent pas encore les sentiers escarpés du Parc naturel régional des Pré-Alpes d’Azur. Il est 5h30 du matin et le départ sera donné dans 30 minutes. Tandis que l’excitation électrise mon âme, je me tiens sous l’arche du départ, le cœur battant, prêt à affronter les 100 kilomètres de pur défi que me réserve le Grand Parcours des Baous.

Le départ est donné dans un tumulte de cris et d’encouragements. Je me fonds dans la masse des 67 coureurs, laissant derrière moi le bruit de la foule pour me concentrer sur le battement régulier de mon cœur et le souffle rythmé de mes pas. Ne pas partir trop vite, garder la tête froide. Je sais que l’aventure sera longue, nous ne serons que 47 à l’arivée.

Les premiers kilomètres s’écoulent sans encombre, mon esprit est léger, ma détermination inébranlable. Je suis en route pour Vence, un tronçon de presque 20km et 750m de dénivelé positif. Christophe S, appelé le sanglier, sera au 1er ravito. Il m’a fait la surprise de faire un bout du chemin avec moi. J’arrive à Vence dans le timing prévu. Tous les indicateurs sont au vert mais Christophe S n’est pas là. C’est un autre Christophe qui est là. Il m’annonce qu’il débalise jusqu’à Coursegoules et que l’on fera donc un bout de chemin ensemble. Je passe un coup de fil au sanglier. Il pensait que j’étais déjà passé, je le retrouverai un peu plus loin.

Mais dès Tourette Sur Loup, le premier obstacle se dresse sur mon chemin. Les nausées et les contractions d’estomac me frappent de plein fouet, me privant de cette énergie vitale que j’avais tant anticipée. Chaque pas devient une lutte contre moi-même, une bataille pour continuer malgré tout. Le simple fait de poser ma main sur l’emballage d’un gel ou d’une purée dans la poche de mon sac que mon estomac se contracte et la nausée me monte.

Je mets en place une stratégie pour ne pas vomir. Je sais que si cela se produit il en sera fini de la course. Je passe en mode économie ! Consommer un minimum d’énergie pour aller le plus loin possible. Heureusement l’eau et les électrolytes passent.

À Coursegoule, et après 45 km de course, je me force à avaler un peu de jambon, ma seule source de carburant dans ce désert gastro-intestinal. Après presque 10 heures de courses j’ai un gel et une purée d’holéagineux dans l’estomac. Je sais que la clé est de ne pas céder à la tentation de vomir, de garder le cap malgré les spasmes qui secouent mon estomac. Avant de repartir, je mets une couche chaude. Après une belle ascension de quasi 500m+ on est sur le haut du Cheiron, le point culminant de la course et la descente sur le versant nord est totalement enneigé. Le soleil est déjà bas sur l’horizon et il fait presque froid. La bonne surprise, les deux Christophe décident de pousser avec moi jusqu’à Bouyon. Et c’est avec un nouveau duo de serre-files que nous reprenons la route. Le club des 4 ne me lâche pas.

L’arrivée à la base de vie à Bouyon se fait à la frontale. Il est déjà 20h00. J’ai déjà presque plus de 3 heures de retard sur mon plan de course. Mais je suis toujours dans les barrières.

Après 60 kilomètres d’effort acharné, je trouve un répit éphémère dans une soupe revigorante, un morceau de pain trempé dans l’eau pétillante à la menthe. Une oasis de réconfort au milieu du désert de mes maux. Mais l’estomac reste une menace constante, une épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête. Après un break de 20 minutes, je repars accompagné de deux nouveaux anges gardiens. Tous font partie du club de trail de Falicon, des gens extraordinaires !

Je pars pour une boucle de quasi 23km qui me ramènera à Bouyon dans quelques heures.

Ça fait peut-être une bonne heure que nous sommes partis, le téléphone sonne ! Panique ! Que se pass t-il ? Le temps de poser mes gants pour l’attraper que ça a déjà raccroché. Ma femme ? Le sanglier ? Non le PC course ! Je rappelle. C’est Pierre Haro, le président du Club du LonGo Trail et l’organisateur de l’événement. Merde, que se passe-t-il ?
Un truc de fou ! Il vient juste aux nouvelles. Il sait que ce parcours me tient à cœur, il vient juste s’assurer que je ne lâche rien. Je ne le sais pas encore, mais il sera à tous mes derniers ravitos pour s’assurer effectivement que je ne lâche rien. Un mec en or avec une équipe en platine !

Avant d’arriver à Gilette, je rattrape un coureur qui semble être encore plus dans le dur que moi. Je quitte mes 2 anges gardiens qui restent avec ce qui est le dernier coureur. Je pointe avant-dernier… Sur la place de Gilette, le ravito, une équipe transie de froid m’accueille. Je refais les pleins en eau et électrolytes, je me fais un mini sandwich de jambon (1/4 de tranche de jambon), et je repars avec mes anges gardiens pour repartir à Bouyon. Je lutte pour combler mon retard, pour ne pas laisser les crampes et la fatigue avoir le dessus sur ma volonté.

Juste avant d’arriver à Bouyon, le PC course demande à la radio où nous en sommes ? Si dans 5 minutes je ne suis pas à la base de vie, ça en sera fini. Heureusement je ne suis qu’à 100m de distance. Il est plus de 2 heures du matin et j’ai droit à une holà de dingue organisée par le dernier carré de bénévoles qui sont là en train de m’attendre. Une équipe pleine de compassion et pleine de délicates attentions. MERCI à eux. Ils sont tous du club de course à pied du Tignet. Là aussi des gens extraordinaires.
Et vous savez quoi ? Pierre est là, il m’encourage et me laisse repartir avec 2 nouveaux anges gardiens. Nous irons ensemble jusqu’à Gattières en passant par Le Broc.

Arrivée au ravito du Broc, là encore les bénévoles m’attendent. Le ravito est à mes yeux gargantuesque. Là encore je reste sur la valeur sûre ! Du pain et du jambon. Et alors que je remets mon sac sur mon dos, Pierre arrive. Il prend de mes nouvelles, m’encourage et je repars.

À Gattières, un rayon de lumière perce les nuages sombres qui enveloppent mon esprit tourmenté depuis des heures en même temps que le jour se lève.

Un sandwich au jambon mais cette fois avec une barre sucrée et un thé chaud m’offrent un instant de répit, une bouffée d’oxygène dans un univers étouffant depuis des heures. Si ça reste dans mon estomac, je sais que j’aurai alors l’énergie pour avaler les 9 derniers kilomètres qui sont quasiment 4 km de montée et 4 km de descente. Un bon up and down de 550m. Je change encore d’ange gardien et je repars !

Et malgré les douleurs lancinantes, malgré les heures qui s’étirent comme des éternités, je continue d’avancer. Pas à pas, kilomètre après kilomètre, je me rapproche inexorablement de la ligne d’arrivée. Je saurai après que j’ai repris sur ce tronçon 40 minutes sur les 2 coureurs devant moi.

Et puis, enfin, après 27 heures et 15 minutes d’effort incommensurable, je franchis le dernier kilomètre. Les larmes embuent mes yeux fatigués, un sourire éclaire mon visage marqué par l’effort. J’ai réussi. J’ai vaincu les montagnes, les douleurs, les doutes.

Sur le podium fictif, je reçois le prix dit du « dernier courageux », une récompense bien méritée pour ma ténacité, ma résilience. Mais au-delà des honneurs et des trophées, c’est le soutien inconditionnel de ceux qui m’ont accompagné tout au long de cette épopée qui réchauffe mon cœur et mon corps endolori.

Je lève mon verre, les yeux embués d’émotion, et je remercie du plus profond de mon âme tous ceux qui m’ont tendu la main dans les moments les plus sombres. Les membres du Club du Falicon Trail Plaisir, les bénévoles dévoués, l’équipe du club de course à pied du Tignet de la base de vie de Bouyon… Chacun a été un phare dans la nuit, un soutien inestimable dans ma quête de dépassement de moi-même. Et tandis que je contemple fièrement le numéro 007 ornant ma cheville, je sais que cette aventure restera à jamais gravée dans ma mémoire, comme un symbole de courage, de camaraderie et d’unité dans l’effort.